Témoignages


Témoignage d’une adhérente

Kiki, témoigner pour ne pas oublier

J’ai souhaité apporter mon témoignage anonymement, c’est pourquoi j’ai choisi le pseudonyme Kiki, a-t-il un sens ? Probablement pas pour vous qui me lisez.

Ma vie, l’abandon, la déchirure…


Je suis née prématurément avec un handicap, le syndrome de Little, donc IMC (infirme moteur cérébrale), ça commencait déjà mal. Je suis la dernière d’une fratrie de six. J’ai eu une petite enfance loin de chez moi. Dès mes premières années de maternelle, je me suis retrouvée en établissement spécialisé. Encore aujourd’hui je me souviens de ce jour, de cette déchirure… Ce fameux jour fut pour moi un moment gravé à jamais dans ma mémoire, un abandon... le 1er de la série ! Mes parents étaient là, sur le point de me laisser, de partir... je serrais très fort dans mes bras mon ours en peluche « Kiki », la seul chose qui pouvait me rattacher à ma maison… et je pleurais, pleurais... Pleurer était devenu mon quotidien, j’étais inconsolable… Mon père et ma grand-mère venaient me rendre visite à peu près tous les 15 jours. Ma mère quant à elle, venait me voir très peu car elle était déjà très malade à ce moment là ; en avais-je vraiment conscience ?
Je n’ai appris son état de santé que très tardivement… J’ai fini par rentrer à la maison. J’ai fait ma dernière année de maternelle dans un milieu ordinaire. Toute ma primaire je l’ai faite en milieu « normal-valide », j’avais des copains et des copines, ça se passait bien, et surtout être à la maison après l’école avec la fratrie était pour moi reconfortant

A l’âge de 8 ans je subissais mon 2ème abandon, ma maman n’était plus de ce monde, à la maison tout était bien différent, ce fut la déchirure, le gouffre... Je n’ai pas de mots encore aujourd’hui pour vous décrire cette souffrance. J’ai dû murir très vite et je commençais à me demander ce que je faisais sur cette terre, comment en être autrement à mon âge, n’est-ce pas ! Comment se relever… ?

S’accrocher ou se résigner.


L’année de 6ème, je l’ai faite en milieu ordinaire mais hélas je n’ai pu suivre cette scolarité du fait de mon handicap. J’étais à la traîne… De nouveau, je suis repartie en établissement adapté après avoir été prévenue quelques semaines avant le départ. La surprise ! Pas le temps de me retourner, me retourner dans ma tête ! Comprendre ce qui allait m’arriver une nouvelle fois ! Le jour de la rentrée mon père m’accompagnait, et au moment de partir, il m’annonçait que je ne rentrerais que tous les 15 jours, me laissant là assise sur un banc devant le bâtiment scolaire et s’en allant... Je venais de comprendre que ma vie serait le centre… Ce 3ème abandon fut pour moi le début d’une nouvelle vie.

Avant que ma maman ne nous quitte j’avais pu parler avec elle, ses paroles de réconfort et d’encouragement raisonnent encore en moi… « N’abandonne jamais, accroche-toi, tu y arriveras…». Malgré cette immense solitude et ce grand vide, pour elle j’ai décidé de m’accrocher et de faire preuve de volonté !

Lorsque j’étais en centre pour personnes handicapées tout allait bien dans le meilleur des mondes possible, mais voilà ! On ne vous apprend pas dans le centre à vivre dans un milieu de valides ! Il a fallu recommencer à vivre alors même que j’avais réussi à surpasser certaines étapes de ma vie !

Un nouveau tournant


A la fin de ma terminale, je décidais de quitter la région et ma famille. Je devais tourner la page et passer à autre chose. Je n’étais plus chez moi à la maison, elle m’était devenue étrangère, mes frères et sœurs avaient suivi leur chemin, ils étaient en quelques sortes unis car ils avaient vécu ensemble et moi je n'étais qu’une étrangère parmi eux, la cassure, la fracture de plus, de trop !

Vie d’enfant et d’ado trop lourde à porter. J’ai toujours eu la sensation de faire partie des meubles. La communication dans la famille au décès de maman était étiolée, je me sentais esseulée... Malgré tout... le cœur lourd, j’allais devoir repartir à zéro avec mon handicap.

Nouvelle vie d’adulte autonome, le combat commence entre les valides et les handicapés pour s’intégrer. S’intégrer dans une vie dite « normale » vue par des personnes « valides ». Un monde qui n’est pas adapté pour nous, qui ne s’adapte pas à nous !

Au final à 50 ans je me rends compte que ce monde de « valides » n’évolue pas ou disons très peu, et dans peu de domaines. « Faire partie des meubles » belle expression que voilà ! Handicapés / valides ça ne fonctionne toujours pas. Pour la petite anecdote qui m’est arrivée et histoire de vous illustrer mes propos qui sont encore d’actualité de nos jours « je me suis rendue récemment à la mairie avec une amie pour pouvoir refaire ma carte d’identité, devant l’employée municipale je lui ai présenté mes papiers pour le renouvèlement… Cette dernière au lieu de s’adresser à moi, s’est adressé à mon amie… Que pensez-vous que l’on puisse ressentir ? Ça en dit long n’est-ce pas ?
Où est notre place dans cette société au XXIème siècle ?

“S’accrocher ou se résigner” j’ai fait mon choix.

Pourquoi témoigner au sein de l’association Handi’Cap ?
Cette association est d’une autre nature de toutes celles que j’ai pu connaitre à ce jour, ses membres ont le cœur sur la main, s’ils peuvent vous aider, ils le feront sans hésitation. Soyez-en sûr ! Soutenons-les !